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l’incorporé dans l’incorporant

Oui, ce que dit Chrysippe passe par la bouche, même les chariots,

et Chrysippe ne dit pas n’importe quoi.

Diogène pense que Chrysippe confond la nature des mots et celle des choses,

mais là, c’est Diogène qui joue à l’idiot.  

 

Chrysippe ne confond pas la pensée formée dans la bouche avec le truc des syllogismes.

Il sait bien

que ni le mot chariot ni le mot chien

n’ont d’attaches sensibles avec

les voitures,

ou avec

les animaux qui aboient.

 

Les mots ne ressemblent pas aux choses,

certes.

Les mots ressemblent aux relations que nous avions avec les choses

quand il fallait les nommer.
Depuis, nos relations aux choses ressemblent à leurs noms,

et c'est pourquoi

les noms sont motivés.

 

Le mot chien n'aboie pas,

mais l’animal qui aboie

le fait sous les espèces intentionnelles du nom qui est sa nature

de chien.

 

La nature du chien motive la nature francophone du nom

qui l’appelle

chien.

 

Une fois nommées, les êtres et les choses ne peuvent plus être

déshabillées.

 

Moi-même,

je suis dans mon nom comme l’incorporé dans l’incorporant.

 

Dans mon corps comme dans ma langue maternelle,

il y a une matrice de correspondances

entre le sens

et les sons.

Il y a une matière physique du langage, d’où l’esprit ne s’est pas encore détaché

(c'est Antonin Artaud qui dit ça).

 

Si je dis cheval


Je dis cheval et je m‘attarde un peu,

un moment de trop,

dans le nom che val,

je pressens qu’il a une allure particulière.

 

Une allure à la française, un peu altière, droite, élevée, tendue.

 

Ce n’est pas l’allure chaloupée d’un caballo espagnol,

ni la vitesse nerveuse d’un pferd allemand

ou le renâclement d’un horse anglais,

etc.

 

Je dis cheval et un cheval passe par ma bouche.

 

Il y a une langue eurasienne dans laquelle quelque chose arrive vraiment.

En abkhazie, je t'aime se dit :

je te vois en vrai.

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