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comment expliquer la crise à un lapin blanc ?

1

- Comment ça va aujourd'hui ?

- Autrement, merci.

 

 

2

- Je suis fatigué.

- Je suis fatiguée.

 

 

3

-   Vous êtes fatigués ? ça veut dire quoi, être fatigué ?

Etre fatigué, ça veut dire : il y a du fatigant. Les choses sont lourdes comme des couvertures mouillées.

Il y a de la tristesse sur les visages. Il y a des produits toxiques dans l’air qu’on respire, et dans les paroles qu’on entend. Il y a du fatigant.

 

 

4

- C'est la crise économique ?

- Il n'y a pas de crise économique.

- Il n'y a qu'une économie de la crise.

 

 

5

-  C'est quoi la crise ?

-  La crise, c'est l'économie de la peur.

 

 

6

- C'est quoi la peur ?

-  La peur, c'est un bulletin de vote.

 

 

7

- C’est quoi une élection ?

Une élection, c’est un concours de beauté.

 

Au restaurant, Aline et Jean-Pierre sermonnent leurs amis Véro et Patrick parce que Véro et Patrick choisissent de s’abstenir de voter aux élections. Aline et Jean Pierre accusent Véro et Patrick d’abdiquer leurs responsabilités de citoyens. Véro et Patrick leur répondent que leur responsabilité de citoyen, c’est précisément ce que les élus veulent leur enlever, en faisant d’eux des électeurs. 

 

 

8

- Et la démocratie, c’est quoi ?

- En grec, Démocratie veut dire « souveraineté du peuple ». On peut dire aussi : « Gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple».

- A l’inverse, un « gouvernement du peuple, par des élus, pour des investisseurs » n’est pas une démocratie, c’est une oligarchie. L’oligarchie, c’est le pouvoir d’un petit nombre au profit de ses intérêts. L’élection, ou la représentation, est un principe oligarchique : les élus qui prennent le pouvoir au moyen du vote de Aline et Jean-Pierre ne représentent pas Aline et Jean-Pierre, ils représentent le statut ou la compétence qui fondent leur autorité sur Aline et Jean-Pierre : par exemple, la noblesse, la richesse, le savoir, l’ENA, etc. 

Au contraire de l’élection, la démocratie est fondée sur l’idée d’une compétence égale de tous, c’est à dire que n’importe qui, même Véro et Patrick, est capable de gouverner, parce que n’importe qui, en gouvernant, peut acquérir la compétence de gouverner. En démocratie, le mode de désignation normal est le tirage au sort. Le tirage au sort démocratique interdit l’accès au pouvoir à ceux qui le convoitent. Pour Platon, c’était la condition sine qua non de la démocratie : ne surtout pas donner le pouvoir à ceux qui le désirent. La démocratie consiste donc à ne jamais donner le pouvoir à quiconque, mais à le prêter à n’importe qui. 

 

 

9

- C’est quoi, un banquier ?

- Un banquier, c’est quelqu’un qui te prête de l’argent qu’il n’a pas, et que tu rembourses avec de l’argent que tu n’as plus. Et lui, il s’enrichit en percevant des taux d’intérêts sur le remboursement de ton prêt.

 

 

10

- C’est quoi la dette publique ?

La dette publique, c’est l’argent que Aline et Jean-Pierre n'ont plus, car l'état, c'est à dire Aline et Jean-Pierre, doit le rendre aux banquiers qui le lui ont prêté, alors qu'ils ne l'avaient pas.

 

 

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- C’est quoi le déficit public ?

- Le déficit public, c’est l’argent qui manque à l’état, c’est à dire l'argent qui manque à Aline et Jean-Pierre lorsque l’état rembourse les intérêts de la dette aux banquiers qui lui ont prêté de l’argent qu’ils n’avaient pas. Pour rembourser sa dette auprès des banquiers, l’état contracte chaque année de nouvelles dettes, auprès des même banquiers. C’est ce qu'on appelle la dette infinie. Sur 1700 milliards d’euros de dette publique remboursés depuis 1974, 1400 milliards d’euros sont constitués des seuls intérêts de la dette.

 

12

- Combien vaut l’argent ?

- Un billet de banque, quel que soit son montant, ne vaut même pas le prix du papier sur lequel il est imprimé. Il y a longtemps, la valeur des monnaies était indexée sur l’or. Tant de billets de banques valaient un lingot d'or. Aujourd’hui, la valeur d’une monnaie, c’est un pari. Un pari sur la capacité de l’état à rembourser ses dettes. Cet état est-il crédible ? Pas crédible ? A la bourse, on peut parier que oui ou que non, et on peut gagner beaucoup d’argent à ce pari. C’est ce pari qui donne à la monnaie sa valeur. Rien à voir avec l’économie réelle. 

 

 

13

- C’est quoi, le réel ?

- Le réel, c’est comme la bourse, un jour ça chute, et le lendemain ça chute encore. 

 

 

14

- C’est quoi, la bourse ?

- La bourse, c’est une salle de jeu en ligne, où des types sous amphétamines font des paris juteux sur la hausse ou la baisse de valeurs financières, qui peuvent être aussi bien des actions d’entreprises, l’assurance-vie de Véro et Patrick, le cours du pétrole, la météo, la dette de l’état grec ou une assurance contre le défaut de paiement de la dette de l’état grec. 

 

 

15

- C’est quoi, la réalité ?

- La réalité, c’est la meilleure apparence d’elle-même.

 

 

16

- Pourquoi les pauvres sont-ils si patients ?

Les pauvres sont patients parce qu’ils ont la télé.

Pourquoi les pauvres regardent-ils la télé ?

Les pauvres regardent la télé parce qu’ils rêvent de devenir riches.

 

 

17

- Et les riches, de quoi ils rêvent ?

- Les riches aussi regardent la télé, mais eux, ils rêvent de calamités, de fléaux, ils rêvent de catastrophes.  Les riches en ont assez de vivre dans des publicités, ils voudraient que quelque chose leur arrive, ils voudraient qu’une chose arrive qui éclate leur vie gélatineuse et passive, ils voudraient qu’arrive un drame sanglant dans lequel ils puissent s’illustrer comme des héros ordinaires, par exemple comme des pompiers après un attentat, avec la gueule noircie de fumée, avec leur petite fille au téléphone.

 

 

18

- Mais pourquoi les pauvres sont-ils si patients ?

- Les puissants pissent sur la tête des gens et ils leur disent qu’il pleut.

 

 

 

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