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le calmant dans la langue

Samedi avec des phrases du genre une histoire est arrivée la nuit dernière et ce matin on ramasse une écume de mauvaise santé. Puis l’histoire continue avec une céphalée et dimanche retourner d’être ivre avec l’idéale cajolerie du sexe opposé. 

 

On ne sait pas au juste comment certaines choses arrivent plutôt que d’autres auxquelles on se croyait mieux préparé. La crainte que quelqu’un, justement, ne soit en train de redouter ça aussi.

 

J’avais mis sur mes mains un parfum opposé et c'était bizarre ce parfum excitant comme si une forme de vie nouvelle prenait les devants. C’est-à-dire sur la droite à l’autre bout du bar elle a gelé la vie d'avant, une demi-seconde. Ma cigarette dévisse et tombe des lèvres, sans le son. Un éclat de rire lui saute au visage, avec le son. 

 

C’est insensé, vous ne trouvez pas ? Comment trouver un sujet pour commencer : les prénoms des gens ne sont pas toujours bien ajustés, vous ne trouvez pas ? 

 

Et comme elle demande oh mais qu’est-ce que c’est que ce truc interminable, je dis c’est une phrase qui peut se lire dans les deux sens avec le doigt sur la ligne en lisant lentement. 

 

Oh comme vous m’avez fait rire tout à l’heure, vous savez, quand votre cigarette vous a abandonné. Un sourire brillant et une virgule ample avec le bras, suivez-moi. Et je passe le doigt dans ses rides, quinze ans plus tôt un amour passionnant - elles sont si profondes maintenant.

 

Comme on est en train de rigoler on ne voit pas le visage arriver tout près. Oh excusez-moi elle est tout à fait désolée. Mais vos yeux vous trahissent aussi, cher monsieur. Ok je prends vos lèvres sans demander. Ce qu’il faut de pensée à propos d’être tiré par le bras. Une petite remontrance au bas d’une caresse, et puis comme ça elle guide ma main sur le sein opposé. Elle dit c’est absurde, on se connait ? Vous ne savez pas très bien ce que vous faites et moi non plus. Trois petits tours et puis voilà, dans les jambes emmêlées je pense oh si ça pouvait durer, 

et justement, ça dure. 

 

On dit qu’il faut bien réfléchir à ce qu’on dit dans ces cas-là, et pas le genre d’excuses avec les mots des autres. Ne restons pas plantés, là. Je souris comme après mentir, tout tremblant comme une supposition qu’elle ait compris. Elle dit oui de la tête en hésitant, oui sans doute, oui bien sûr, on dit ça en même temps, exactement. 

 

Au lieu d’une attente il faudrait mettre une arrivée dans la tête comme un réveil avant le lever du jour. Ca va durer encore quatre heures, peut-être cinq, et votre téléphone sonnera et je dormirai après vous dire au revoir.

 

Je me dresse un peu sur les coudes et je la regarde dormir dans sa langue allemande. Ça doit faire des bruits de forêt après la pluie, de mousse sur la roche et de chêne humide. Je me demande : si ça c’est le corps alors où est-elle ? au fond des forêts mouillées où personne ne la voit ? fondue au dedans avec les enzymes et l’alcool ? je suis penché au-dessus d'elle et je lui demande comment fais-tu pour vivre et penser tout le temps dans cette langue avec l’accent ? Elle n’entend pas. Et j’ai peur de ne plus savoir à mon tour parler dans quelle langue ? Mais parler c’est une chose, cet effort ; tandis que penser, c’est en quoi ? J’accentue un peu mes gestes pour arriver à dire une chose au moins avant de faire une catastrophe : elle ouvre un oeil au moment où ma main va se poser, je la retire vite fait avec un effet dans l’air. Dans un film d’angoisse elle ne pose pas de questions et elle se rendort. 

 

Par voie de fait et par enchaînement je m’en prends à toutes mes pensées, une à une. Au réveil, la chanson de l’eau douce est dans la douche. Je décide de réussir une omelette avec une bonne idée d’avoir acheté ce fromage hier. Nous sortons d’une nuit si élogieuse mais si vous permettez je continue. Cela répond-il à vos questions ? non bien sûr, elle n’en pose pas,

et toute l’histoire tombe au dehors comme la pluie.

 

Consultant un vieil horaire de train, elle dit qu’elle ira bientôt se les geler dans une gare ouverte aux quatre vents. Et un peu triste dans un train de banlieue parmi les gens, regardant par la buée, elle seule sachant ce qu’ils ignorent ensemble.

 

Comment continuer, je ne lui ai pas posé la question. Lui, c’est à dire elle.

Eux, ils ont mis leurs visages rasés, tout leur monde très propre dans leur dimanche, ils ont mis leurs vestes et leurs pendants, moi j’ai mis mon pull et j’ai mis l’argent dans ma poche, et j’ai mis un nom dans la langue opposée.

 

Méthodes fiables pour mesurer la densité des gens l’écart entre les allemands présents sur tant de mètres carré.

 

Les gens,

si je pouvais j’irais m’expliquer en allant vers vous, à la façon dont je longerais vos souffles et vous ferais savoir : votre langue est mon calmant.

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