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une voix étrangée

 

Tout le monde meurt, mais personne ne raconte .

 

 

 

 

 

 

oh je vous vois.

 

vous m’entendez ?

oh oui je vois que vous entendez ma voix.

 

vous me voyez pas mais si vous m’entendez ça va. c’est que je suis là.

 

vous êtes surpris ?

vous êtes pas surpris ma voix vous est familière mais vous la croyez pas.

 

vous me croyez morte mais vous entendez ma voix.

écoutez bien

je vais dire des choses que vous croyez pas.

 

 

.

 

 

c’était il y a une minute à peine.

j’étais piégée dans mon corps sans pouvoir bouger. j’entendais vos voix penchées au dessus de moi. je voulais vous parler je voulais dire attendez partez pas.

mais je pouvais pas bouger et je pouvais pas le dire. je voulais crier et si je voulais ouvrir la bouche je pouvais pas l’ouvrir. ça faisait juste un bâillement horrible.

 

il y a une minute ça a commencé c’était comme un tempo de va-et-vient dans les yeux. des clignotants et des nausées. des paquets de chutes sur les paupières, puis sur la poitrine, plus lourds et plus lents. Ma respiration faisait mal, je respirais mal et à chaque battement je prenais un paquet de chute et je pouvais plus respirer. les yeux clignotaient dans les paupières et le tempo de va-et-vient accélérait jusqu’à soudain un paquet d’hyper pression, soudain trop lourd.

 

alors j’ai pensé « là je vais mourir ».

 

mais aussitôt j’ai remarqué quelque chose étrange au sujet de la distance : je suis dans ma peau, je suis collée dedans, je peux voir ma peau du dedans. je peux voir l’épaisseur d’épiderme et en même temps je vois mon corps du dehors. je vois mon corps sur le dos rigide et je suis dehors.

 

j’ai juste pensé « ça, c’est bizarre » et voilà ça y est, je monte.

 

oh je regarde en arrière et je pars à l’envers comme un vol parabolique. au premier sursaut des yeux je vais au plafond. oh ça y est je monte, je pense « c’est super » je suis tirée en chute libre.

 

quand je dis en chute libre vous voyez quelqu’un tiré vers le bas ? moi je vais vers le haut.

 

vous m’avez pas vue partir. c’est drôle je veux dire vous me croyez morte en bas et moi je vais en chute libre vers le haut. je vais dans la hauteur en poussant mes mains à la volée comme un congé flottant sur un ballon d’hélium.

 

c’est étrange je pense « oh je vole, mais normalement je sais pas voler ». je vole et pourtant je vois mon corps humain normalement allongé quand je regarde vers le bas. je regarde vers le bas sans tourner la tête pour voir que je suis au plafond et mon corps est allongé ci-dessous. je vois que je suis pas morte.

 

c’est drôle je vous vois : vous me regardez en bas allongée sur le dos rigide, mais vous voyez pas que je flotte au plafond.

 

vous le croyez pas mais je vois que j’entends dans vos corps.

oui je vois que je peux écouter dans vos bouches. je peux écouter vos bruits de voix et j’entends les mots de panique et les paquets de chute dans vos bouches à cause de la peur.

 

 

.

 

 

je vous vois.

je veux vous dire de pas avoir peur.

je veux vous dire

je crois qu’on meurt pas vraiment.

ou alors pas comme ça.

 

 

.

 

 

je suis au plafond ci-dessus et au sursaut suivant je suis dans la couleur d'un ciel bleu et calme. je regarde tout autour de moi et je vois plus mes pieds. je vois plus mes mains, je pense « oh c'est bizarre, où est mon corps ? ».

 

je suis partout dans la couleur d’un ciel bleu et super calme. je vais où je veux. je monte plus haut si je veux. je sais voler. mais comment je fais ? j’ai jamais appris à voler et maintenant je sais. je bascule sur l’aile gauche et je remonte en forme de bol. je vole, je suis lancée comme une flèche.

 

en vol si je pense aux montagnes il y a un flou pendant un moment et puis je passe par toutes les montagnes rocheuses au cours de la montagne dans la roche des montagnes neigeuses, les falaises, les chutes de falaises, les sommets enneigés, les flancs avec la neige, les pentes avec la mousse, les montagnes hautes avec la neige et les rochers, puis les montagnes basses avec les fougères et les arbres.

 

par exemple je pense à un arbre : il y a un flou et je suis à l'intérieur de l’arbre, à l'intérieur des cellules du bois de l’arbre, dans le tronc dans les grosses branches dans les petites branches et dans les bourgeons. il y a encore un flou et ça fait des feuilles.

 

des feuilles maintenant ? je fais des feuilles. peut-être que je devrais pas trop compter là-dessus mais je deviens l'arbre et l'arbre à son tour devient quelque chose comme ça. 

 

je me dépouille de feuilles et je pense consciemment à des formes de vie de toutes sortes. par exemple je pense à des poissons dans l'océan. je pense à des lions et des éléphants sauvages. un oiseau assis sur l'arbre. et voici un petit vers que l’oiseau va manger après. je vois une créature vivante et bientôt je deviens sa forme de vie intégrale, du début à la fin. mais je peux pas dire où la créature commence et où je finis. quelle que soit la forme de vie je crois que j’y suis vraiment mêlée, du début à la fin.

 

 

.

il y a une minute encore j'ai bien cru que je mourrais. et maintenant je vois et je vous montre des choses étonnantes.

.

 

maintenant je pense à l'océan : il y a ce flou et aussitôt je suis à la plage. je marche sur tout le sable. je marche sur le total de tous les grains de sable. je vois un excellent niveau de définition de tout le sable, et même quand je vole à trois quatre mètres en vol stationnaire je vois le grain du sable, et puis je descends dans le sable et dans les dunes, et puis dans l'océan.

 

et plus bas je vais sous la mer. je nage sous le niveau de la mer. ensuite je nage plus bas, je nage plus tôt, je nage avant. avant maintenant, j’étais déjà en train de nager, je nageais déjà et c’est passé maintenant, c’était après. j’avais cessé de nager, j’étais aspirée déjà et je montais en chute libre dans un tunnel de lumière blanche.

 

c’est maintenant.

je suis aspirée dans un tunnel de lumière blanche et j’évolue rapidement.

 

 

.

oh c’est pas un tunnel c’est un tuba. c’est transparent, c’est rond et comme un tube qui va. il y a des petites ondes impressionnées sur les parois, ce sont des rayons en forme d'ondes qui font un mouvement de bienvenue.

 

je monte dans le tuba suivant mon rayon d’ascension. le débit est excellent, je monte sans hâte et sans accidents.

oh je suis pas seule dans le tuba. il y en a d’autres que moi.

 

je vois d’autres corps monter en ascension suivant les rayons. un corps après l’autre rejoint l’ascension, chacun suivant son rayon. les autres corps que je vois sont semblables mais pas très exacts. ils me ressemblent je crois, ils flottent comme moi. je me demande s’ils sont morts ou s’ils ont cru mourir ?

 

je demande pas. je regarde.

chacun regarde. personne demande.

 

on est morts, ou on a cru mourir ?

personne demande. tout le monde regarde.

 

bienvenue quand l’un de nouveau se joint, nous devenons une forme d’onde ajoutée au tuba et il y a toute une joie de retrouvailles. on s'élève ensemble heureux d'augmenter l’onde dans le tuba. avec chacun on devient plus conscient et on se souvient mieux du total. combien est sans importance, on est unis en tube élargi. la joie de retrouvailles est une onde unie qui monte plus rapidement dans le tuba.

 

alors une vague plus forte nous soulève. on va vite vers la bouche immense. la bouche du tube en haut c’est le tuyau.

 

 

.

 

 

 

à ce qu’on voit dans le tuyau on ouvre les yeux.

 

il y a une lumière immense au bout du tuyau. rien ne compare à cette lumière. si vous regardez une ampoule électrique à l’oeil ouvert ou si vous regardez le soleil en face c’est rien comparé à cette lumière immense. ici c’est une brillance comme un plasma de photons ou comme l’oeil enfoncé dans un tube de néon. une lumière sans va-et-vient, mais avec une longueur d’onde qui rayonne le chaud et le froid. une douceur sauvage qui fait pas mal aux yeux. le chaud et le froid et la douceur sauvage ne font pas mal aux yeux. ils font la musique élogieuse et un remplissage de joie.

 

c’est le bout du tuyau.

 

 

.

 

 

au coup d’oeil suivant je vois : il y a des gens alignés à chaque côté de moi.

 

les gens morts ne ressemblent pas aux gens vivants mais à chaque côté de moi je vois des morts familiers. les morts ne ressemblent pas aux vivants mais je les reconnais à leurs traits d’avant. je les regarde près de moi et je vois qu'ils sont ressemblants. même les inconnus de moi sont des morts familiers. je comprends pourquoi les gens morts sont des anges familiers. ils se présentent à moi avec leur gentillesse abstraite.

 

le nombre des morts familiers est de 3, 4, 5, et plus encore, mais moins aussi. leur nombre ne reste jamais le même un instant. leur quantité est abstraite, jamais semblable, pas très exacte.

 

les costumes angéliques des gens sont des robes de lumière et de plain-chant. leurs robes sont blanches de lumière comme des robes élogieuses, des chants de chaud et de froid.

 

quand on regarde les robes élogieuses c’est brûlant comme vouloir regarder le soleil à l’oeil nu. on voit tous les jours la lumière du soleil et la nuit on voit les ampoules électriques. la lumière qu’on voit est la même pour tous et elle ne chante pas. mais c’est autre chose de voir des corps avec la lumière du jour en vêtement. c’est autre chose de voir les morts familiers en robes de lumière et leur musique élogieuse.

 

parmi les morts familiers, deux gens d’entre eux me sourient et me disent musicalement en avant. ils soulèvent mes bras jusqu’aux ailes. ils me soulèvent délicatement et nous partons en vol parabolique. on monte à la volée et vite après on ralentit pour prendre congé. alors les anges familiers me posent sur une forme d’onde et je tiens debout dans l’air stationnaire. ils me laissent toute seule debout dans l’air et je dis  « oh mais comment je peux tenir debout dans l’air ? normalement je tiens pas toute seule debout dans l’air ! »

 

 

.

 

 

 

alors un visage apparaît soudain dans la minute qui vient.

 

comme il est beau.

et comme il est semblable en tous points.

 

le visage est androgyne mais plutôt le visage d’un enfant sans poils, et sans sourcils. il a de grands yeux intenses et pas de couleur, et la peau est chaleureuse comme une peau de pêche. même s’il est jeune de visage il est sans âge. il est beau comme un visage en tous points semblable.

 

Il me sourit sans ride et il me parle sans besoin de mots car tout est dit en pensées.

 

si vous saviez ce que j’entends.

ce dialogue sans paroles est si intense que j’exige toutes mes pensées à la fois. comme si je les couchais les unes sur les autres je veux demander, je demande tout en une seule phrase, je demande : «  c’est déjà arrivé ? »

 

le visage me hoche la tête lentement. il sourit seulement et je sais que c’est une réponse aimable.

je dis merci.

je dis merci je vous aime car je comprends tout et maintenant je sais que je suis aimante. je ressens l'amour d'un type supérieur de connaissance et je sens l'espace et le temps me joindre dans une forme d’onde. je sens mon coeur qui saute en battements de joie.

 

j’ai cru mourir mais maintenant je sais : on meurt pas comme ça.

le visage me dit de pas avoir peur.

j’ai pas peur je sais. j’ai compris.

on meurt pas d’un coup.

je veux dire pas du premier coup.

 

 

.

comme je continue à regarder son étude de traits le visage se transforme en variétés de nuages. son visage se transforme en variétés de formes de nuages l'une après l'autre, comme si on regardait un film en stop-mouvement. après le visage évanoui, de moelleux nuages défilent dans une succession de créatures folles, non semblables et enchaînées, des figures amusantes, certaines plus effrayantes mais toutes très cartoonish : des chiens des éléphants sauvages et des visages rigolos.

 

à ce moment le nuage fait une forme d’image semblable à toutes les images et je suis stupéfaite :

 

je vous vois.

 

.

oh je vous vois. je dis « c’est incroyable ».

 

je suis stupéfaite.

 

je vois que vous étiez déjà là. vous étiez là avant moi.

 

alors, vous saviez déjà ?

 

vous me dites de pas avoir peur. vous étiez là avant et vous êtes heureux de me voir. vous êtes surpris et vous êtes pas surpris de me trouver là.

 

je dis « c’est incroyable ».

 

mais je dis c’est incroyable là-bas.

 

là où vous êtes je dis c’est incroyable et vous entendez ma voix qui dit dans votre tête je n’y crois pas.

 

mais ici je vous dis « bah c’est évident ». c’est drôle j’aurais dû y penser avant : vous étiez là avant moi, vous saviez tout.

 

mais vous le savez pas encore.

 

je peux vous le dire ici car c’est vous là-bas qui m’avez autorisé à vous le dire : vous êtes déjà là-bas mais vous le savez pas encore.

 

je vous rapporte des choses étonnantes n'est-ce pas ?

 

si vous comprenez pas ce que je dis c’est pas grave. vous le comprendrez plus tard.

 

en vrai, vous savez déjà.

 

 

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vous m’entendez ?

 

oui si j’approche l’un d’entre vous je suis automatiquement mis en conversation dans nos têtes. vous me parlez et je sais à l’avance ce que vous allez dire car la voix part du cœur de l’estomac. et aussitôt que je sais ce que vous allez dire c’est plus nécessaire : vous êtes déjà à dire la phrase suivante. oui c’est comme si j’avais pas besoin de comprendre vos phrases : les mots sont déjà connus en moi. je pense déjà ce que vous allez dire. vous et moi, on a la capacité de communiquer à des taux super élevés de vitesse, nos flux d'information sonnent comme un fichier audio en avance rapide. ensemble on pense très vite parce que la communication est de type peer to peer ou bien hologrammes dans le tissu de nos corps légers.

 

vous approchez vous me hochez la tête en guise de oui. vous êtes gentils. vous me dites ce que je dois savoir, comme quoi je suis une petite fille de votre connaissance, un souvenir de vos années 80 mais il y a une heure à peine. j’ai les cheveux blonds et un teint juste, mes couleurs se détachent comme autant de visionnages d’une VHS domestique. j’ai de nombreux frères et sœurs à partager mais je ne suis plus parmi eux. je suis pas morte à l’âge que j’ai. quand on meurt on peut demander à choisir l’âge et le look qu’on a le plus aimé dans sa vie passée : pour moi ça a été l'adolescence, j’écoutais The Cure et j'aimais je dansais beaucoup. j’étais pas seule au monde mais je sentais que j’étais séparée. c’est sous cet aspect d’âge-là que je vous rejoins.

 

ma jeune mère quitte son cœur. le chirurgien peut pas interrompre son travail sinon elle va lui claquer entre les doigts. à 29 ans elle a droit à un orphelin sans raison. un enfant dont j’ai presque mal à force de lui jeter des trucs à la tête. papa conclut que la naissance est à pleurer. grand-père en colère sort les pieds devant. des soldats sur le front : ils perdent leur sang et ils connaissent pas leur fin. beaucoup de gens souffrent d’encéphalopathies : ils savent plus avancer ni reculer mais ils peuvent encore danser.

 

l’infirmière travaille vingt ans dans les gens. elle est mariée trente ans avec un flic, son cancer est quasiment remboursé. ils ont un fils de vingt-huit ans qui fait professeur de musique méritant : étudiant il corrige les requiems. deux oncles et grands-parents ils sont plus là depuis leur jeunesse. on est souvent dame et jeune fille, monsieur et bébé. on est l’âge d’un homme de quarante et un ans, organes des deux côtés par transformation automatique en homme et femme. un fœtus qui n’est pas né : son corps d’homme est chez sa mère, des morceaux de bébé pas au complet. au mou de 73 un automne revient, l’air d’un côté et le vert de l’autre. le rouge arrivant le vert quittant. le déménagement des couleurs, la douceur du temps les plus grands plaisirs. la vie ne finit pas, oh que mon père, et que ce soit.

 

 

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il y a une minute encore je passais pour morte.

tout ce qui arrive à droite où à gauche, près ou loin d’ici tout a un grand besoin d’arriver. et dans ce besoin d’unisson je sais que tout va bien, partout c’est OK. j'ai pensé que même les guerres les famines les infections, tout ce qui arrive à droite ou à gauche, ici ou là, très loin ou très près de nous, j’ai pensé : tout a une nécessité plus forte au delà de pouvoir comprendre. même les guerres les camps et le terrorisme à la télé : tout fait sens et tout est OK. j’ai pensé oui même la maltraitance des enfants les tortures de la police et la mort injuste des gens : tout fait sens partout. oui je me souviens avoir pensé : même les pollutions les sévices et mes T-shirts fabriqués par des esclaves en asie, tout est OK. les déodorants, les pluies acides, la climatisation dans les villes. la publicité dans les rêves, les amis qui imitent les imitateurs de télévision, tout va pour le mieux et tout est nécessaire. autoroutes blocs de bureaux, expressions de visages et note sociale, j’ai pensé : tout fait partie d'un schéma cohérent. finalement j’ai pensé : les rêves que tout le monde fait depuis vingt ans, rêves de poursuite avec appels masqués, colis suspects, coups de pieds dans les couilles, infos, alertes conso, santé bons plans, porno gratuit, personne ne peut tout voir en entier mais tout est OK. tout a un grand besoin d’arriver. les dimanches au luna park, les partouzes en pavillon, les actifs pourris, Toshiba Mitsubishi, c’est OK. les aéroports placés en vigilance orange, les jeunes gens en costumes et oreillettes qui cherchent des explosifs dans nos corps : ils vont trouver les publicités qu’ils ont mis dans nos corps. j’ai pensé oui : même les petits prix sympa, le cancer des seins, les pics de pollution, le porno, les enfants, les rêves que tout le monde fait depuis vingt ans.

 

 

 

je le savais déjà, je le tenais de vous.

je me sens super étendue comme si je venais de télécharger toute la connaissance d’un coup. vos paroles vont dans ma tête comme le pouvoir illimité de tout connaître. une voyance mutuelle de toutes les vies disponibles. oh je me sens comme un néon sur un bloc de puissance, avec vos musiques élogieuses branchées sur moi comme si j’étais en recharge de batterie. je télécharge vos flux de connaissances infinies et garanties de tout mal.

 

et je reconnais tout, tout de suite.

 

chaque unité de savoir était déjà là, comme une cellule de mon corps déjà dans mon corps. on n’a plus besoin de chercher ce qu’on connaît, on a les idées claires tout de suite. les pensées ne remontent plus de la mémoire à la vitesse lamentable de la parole, mais on les a toutes autour de nous comme une nébuleuse infinie. on peut voler dedans à la vitesse de la lumière pour les exciter. oh comme c’est bon. je tiens ce pouvoir de nos retrouvailles dans le tuba. le visage me l’a donné dans le tuyau, dans la musique des robes.

 

.

 

 

je tiens de vous une autre chose très étonnante. croyez moi ou pas. je suis capable d’aller dans l’avenir regarder maintenant.

 

je sais que ça fait pas beaucoup de sens pour vous qui êtes maintenant, mais c’est vous qui êtes là-bas qui m’avez appris ça. croyez moi ou pas, c'est possible. c’est très impressionnant.

 

vous savez quand vous pensez à une personne et vous recevez son appel téléphonique dans la minute : « oh je viens juste de penser à toi ». j’ai cette sorte d’intuition spéciale. oh je vois un accident de voiture où vos amis vont mourir dans moins d’une minute. je suis désolée. si vous aviez su. vous saviez. mais vous avez oublié. ils sont là, vos amis sont là. ils m’ont autorisé à vous le dire. n’ayez pas peur.

 

je peux voir les gens dans l'âme et je peux voir maintenant les auras qui tourbillonnent dans une salle. une heure un après-midi ou une année sont comme des salles. quand je suis dans une salle je vois ce qui doit s’y passer ensuite. c’est rien de dangereux vous pouvez être tranquille. il y a une minute j’étais comme morte et maintenant je sais ce qui va arriver ici, juste maintenant.

et après.

ici, mais plus tard.

c’est ça.

 

malheureusement je peux pas le dire c’est impossible. me demandez pas pourquoi. sans doute que cela pourrait compromettre le cours du temps lui-même. je veux dire pour vous. de toute façon, même si je le voulais je pourrais pas le dire vocalement, les mots passeraient pas le bord de mes lèvres. ça passerait pas dans la vitesse de ma voix, parce que ç’est pas désynchronisable, vous voyez ? ce que je sais à propos de ce qui va se produire à l’instant je peux pas le désynchroniser de ce qui se produit maintenant. vous voyez ce que je veux dire ?

 

il paraît que ça pourrait compromettre le cours du temps. spécialement pour vous.

 

je veux juste vous dire de pas avoir peur. on meurt pas une fois pour toutes à la fin.

on meurt tout le temps. à chaque instant on est déjà mort.

ça continue. c’est comme ça.

 

ce que je vous dis là, je le tiens de vous. vous le savez déjà, mais pas encore.

 

.

 

 

vous me soulevez encore les bras jusqu’aux ailes et nous partons en vol parabolique pour de nouvelles vues. en vol nous survolons les paysages, au ras de la terre et dans le ciel au dessus. nous voyageons avec brio au-dessus de nombreux paysages en terrasses, plateaux et falaises abruptes. vous me montrez la terre ci-dessous et les plus spectaculaires visions. vous me montrez des choses étonnantes. partout où je regarde c’est une nouvelle vue. je regarde partout et je peux voir toutes les différentes réalités en personnes, en animaux, en astres, en circonscriptions, en rames de métro qui passent à travers les gens, en paysans dans les rizières, en souffrances dans les chiens, en amants dans les appartements, en acariens dans les matelas, tout le monde très heureux et à la fois très distinct. et je suis flèche lancée dans un total de fusion avec chaque goutte de pluie, atome, coléoptère, et vous aussi.

 

nous sommes faits de poussières d’étoiles, et l’hydrogène le carbone l’oxygène qui compose nos corps vient des étoiles qui composent les objets célestes. La poussière d’étoile qui compose nos corps vient des objets célestes qui composent les étoiles. Nos corps sont fait d’objets célestes qui font les étoiles.

 

la Voie Lactée coule une filature de patience dans nos têtes.

 

.

 

 

maintenant j’ouvre les yeux et je vais partout. je suis lancée comme une flèche, je passe au travers de choses solides comme vous. des choses solides comme un mur. je passe à travers des choses solides parmi vous, je passe à travers vous comme un mur. la traversée du mur a une couleur matte et je peux voir l’intérieur du mur et entendre un bruit feutré quand je passe au travers. si on passe à travers quelque chose ça fait un bruit feutré sauf le verre : le verre devient flou et silencieux quand on va au travers.

 

je suis aussi capable de traverser des objets. par exemple je passe à travers une pomme. si on passe à travers une pomme ça fait un bruit feutré, mais je sors pas toujours sur la face opposée de la pomme, je sors parfois à des kilomètres. par exemple il y a une pomme posée sur la table, j’entre dans la pomme et je sors à des kilomètres de la pomme. mais c’est toujours la pomme posée sur la table, et c’est encore maintenant.

 

maintenant je passe à travers vous. la traversée de vous a une couleur matte et je peux voir l’intérieur remuer et entendre un bruit feutré quand je passe à travers vous. j’entre en vous avec succès mais je sors pas toujours sur la face opposée. je sors parfois à des kilomètres de là. par exemple j’entre en vous et je sors à des kilomètres de là, mais c’est encore vous.

 

oh c’est étrange, je vois qu’il y a une chose étrange au sujet de la distance : je vois que je vous entends dans vos bouches. Si j’ouvre les yeux je vois que je peux écouter une bulle de salive éclater dans une bouche. Je peux écouter une bulle de salive : c’est petit, c’est doux et c’est très brillant. c’est une bulle de salive un dixième de seconde avant d’éclater. c’est maintenant. c’est beau c’est comme un appel de voix à partir du corps.

 

je sors des corps à des années-lumière. j’ouvre les yeux, je vais où je veux et à toute allure je retourne aux galaxies. l’instant d’avant j’entendais une bulle de salive éclater dans vos bouches. l’instant d’après je vais aux galaxies, des milliards d’années, et j’entends la bulle de salive sauter dans l’expansion.

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je vais partout : je suis lancée comme une flèche, je passe à travers vous comme au travers des choses solides.

 

mais attention, quand je passe à travers vous je dois payer attention de pas heurter le noyau. je remarque que si je passe dans votre noyau ça fait un impact de son statique comme un baiser bref. quand je suis mêlée par accident à un noyau, soudain la couleur est rouge et ça agite un hasard de molécules comme une neige de télévision statique. quand je passe en noyau ça fait un impact de son statique comme la fin d’un baiser bref.

 

 

je vois tout, c’est effrayant. dans le noyau je vois ce qu’il y a. je vois qu’il y a des besoins. la faim est dans la bouche, la soif est dans la voix. le sommeil est dans l’œil, la mort dans les enfants.

 

je vois qu’il y a des enfants dans le noyau. je vois des enfants qui sont des mammifères, des enfants qui sont des rats, des poissons, qui sont des fougères et du plancton. je vois des enfants qui mangent les morts des gens. je suis dedans : je vois des millions d’années de morts encore vivants.

 

il y a des grumeaux plein le noyau. les grumeaux sont des morceaux, des bouts de mie de pain pour les enfants. je vois des enfants qui ont faim, qui sont des affamés et qui mangent les poissons les fougères le plancton.

 

les enfants savent d’où ils viennent. ils avalent ce qu’ils savent en ouvrant la bouche la première fois. tout le monde est né une première fois. personne ne meurt une fois pour toutes. la faim était dans la bouche, la soif était dans la voix, le sommeil était dans l’œil, les enfants savent cela.

 

dans le tuba il y a un noyau et dans le noyau je vois ce qu’il y a. je vois des millions de gens qui meurent à l’instant. je vois des millions d’enfants qui mangent les parents pour faire d’autres enfants.

 

 

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le noyau est plein. il est rempli de pâte et ne dit rien. le noyau est dur, il est fait pour durer. le noyau n’a pas d’endroit, ni de nom ni de paroi. le noyau est plein de pâte. il est dur, il ne finit pas.

.

 

vous m’entendez ?

 

je veux vous dire : n’ayez pas peur. je vous dis ça ici mais vous le savez déjà : on meurt pas. je veux dire on meurt pas d’un coup, à la fin.

 

c’est vous qui m’avez dit ça, là-bas. vous m’avez autorisé à vous le dire ici : on meurt pas. je veux dire on meurt pas une bonne fois pour toutes. c’est pas comme ça.

 

la mort, c’était avant. les enfants savent cela.

 

je tiens de vous ces choses-là. c’est vous qui me l’avez dit.

vous m’avez dit « c’est déjà arrivé ».

 

 

.

 

j’ai tellement plus à raconter : ce que j’ai vu, ce que je sais. mais ma voix est bientôt fatiguée. il y a une minute à peine je passais pour morte. c’est du passé.

 

je suis si heureuse d’avoir pu vous parler. je veux vous dire encore une fois de pas avoir peur.

quand vous viendrez je serai là.

vous serez surpris et vous serez pas surpris quand vous entendrez de nouveau ma voix. elle vous sera familière.

 

mais il est temps maintenant

pour le retour à la normale.

 

je dois vous rendre la parole.

 

 

 

 

 

 

 

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