top of page

Lonely Planet

.

2003 - 2023

 Planète Solitaire à l’usage des grands fatigables

vous souhaite la Bienvenue à bord.

 

Pour votre confort et votre sécurité, nous allons procéder aux mesures de dépistage

de votre attention s’il vous plait.

 

Vigilants ensemble, si vous éprouvez malaises, maux de têtes ou difficultés à respirer en cas de perte ou d’oubli de vos identifiants ne restez pas seul, n’attendez pas qu’il soit trop tard pour remarquer un objet abandonné ou un comportement qui vous paraitrait suspect ou une situation qui vous paraitrait inhabituelle.

 

Restez calmes en cas de danger, la répétition du même rêve n’est qu’un exercice,

mais grandeur nature.




 

Si vous vivez depuis au moins quinze jours l’un de ces états ou les deux : vous vous sentez épuisé.e, plus lent.e que d’habitude, par exemple pour parler ou pour conduire ou au contraire beaucoup plus nerveux.se qu’il y a un an avant.

 

Vous avez pris du poids sans le vouloir, des pertes de mémoire, un sommeil sans réparation et des odeurs suspectes au réveil. Une sensibilité anormale aux bruits, à la lumière et aux brusques changements de température sans préavis. Des palpitations, une oppression de poitrine avec des idées de ruine et d’incurabilité.

 

Vous sentez-vous comme une merde de chien collée là depuis ce matin ? Vous entendez votre prénom dans votre tête avec une voix de robot conversationnel ? Pensez-vous au pire qui pourrait arriver, alors qu’une étude récente ne justifie pas de croire que le pire va arriver ? Vous avez beaucoup de mal à vous concentrer sur une question qui n’appelle pourtant pas une réponse sous quinze jours.

 

Si vous avez observé plusieurs fois ces symptômes depuis au moins quinze jours, presque chaque jour, toute la journée, savez-vous que de nombreux français.es dans votre cas éprouvent eux aussi une tristesse inhabituelle qui touche plus de trois millions de français.es qui les empêche de parler, de rire, de manger, de travailler, de dormir ou de vous lever le matin de bonne heure ?


 


 

Pourquoi vous êtes si fatigué.e, parfois ?

 

Les choses sont lourdes comme des couvertures mouillées. Il y a de la tristesse sur les visages. Il y a des produits toxiques dans l’air qu’on respire et dans les paroles qu’on entend. Il y a du fatigant.

Vous ne voulez pas d’histoires. Il y a tant de visages. Vous ne pouvez pas venir en aide à tant de visages.

 

Vous ne voulez pas d’histoires, juste le droit de vivre dans un monde où personne ne chie, n'éjacule ni ne tue son prochain de manière violente. Vous ne voulez pas de structures dans le comportement, vous ne voulez pas d'ordre ni de fragments dans le discours, pas de difficultés respiratoires en attendant l’arrivée des secours. Vous ne voulez pas rester une personne seule en difficulté en cas de danger ressenti, ni respirer les gaz avec précaution pour l’air.

  

 

 

Vous passez vos journées à prendre congé ? Comment gérez-vous les petites situations sans avenir en attendant la fin de la pluie ? Vos papiers s’il vous plait n’ont pas vu le temps passer ?

 

Trois cigarettes coup sur coup n’ont rien observé d’anormal. Si ce n’est, à l’occasion, des individus séparés allant au hasard, des hantises trouvant un peu de société dans les marchandises.

 

Si vous pensez parfois qu’on vous traite comme une chose, et si vos rapports en général sont ceux de chose à chose, pourquoi ne pas en tirer un petit revenu d’existence ?  


 

 

Vous marchez la nuit pour ne pas dormir ? Vous faites claquer vos talons sur le trottoir, mais ça n’est pas un appel à l’aide. Vous faites tinter des pièces de monnaie dans vos poches pour laisser penser que vous allez quelque part acheter quelque chose. Vous avez appris à remonter le col de votre blouson, à carrer les épaules et prendre cet air vexé pour dissuader qu’on vienne vous parler.

 

Vérifiez votre mise dans les vitrines avec une conscience aiguë de vos hésitations, mais acharné à lutter contre la fatigue, vos hésitations, leurs soirées passées à imiter les imitateurs de télévision.

 

Une nuit, alors que vous étiez seul.e au fond du bus, le panneau lumineux affichait Arrêt demandé comme une citation à comparaitre dans l’idée que le chauffeur se faisait de vous.


 

 

Et si on vous demande du feu, un regard servi tout chaud dans le monde de l’œil, salade tomates oignons, sauce blanche. Vous donnez du pied dans les rideaux de fer pour entendre du fracas dans la nuit, suivi d'injures gueulées aux parties molles de la pensée.

aux sociaux-démocrates : cuisses laiteuses, poils de con dans la gamelle.

au complexe militaro-industriel : aisselles collantes.

aux nains de jardin : partouzes de bungalow, dimanches de luna-park.

au cochon occidental : mélancolie.

aux parlementaires élus par des somnambules : idées de ruine et d’incurabilité.

aux banlieusards programmés : ronds-points, bacs à fleurs.

à l’opinion publique : appels au calme.

aux avortons : Toshiba Mitsubishi.


 



Qu’est-ce qui peut bien, parfois, couper vos phrases en plein milieu ? Un dos d’âne, un coup de frein mélancolique avec sensation de débâcle et détachement des blocs ?

 

Il n’est pas rare qu’un mot imprévu vienne se ficher dans l’esprit comme une écharde et paralyser la phrase qui était en train de parler pour un moment très long.

Parfois définitivement.




Faites-vous des petits tas avec des miettes de pain en rêvant à cet épisode héroïque dans lequel vous auriez le cran de mourir parce qu’on vous tue ?

 

Parce que vous oserez enfin leur griller la politesse.

 

Pas d’inquiétude. Mourir ne vous incombe pas et vous ne renaissez pas non plus augmenté, ou quoi ou qu’est-ce, de ce qui vous abat : une intolérable angoisse les après-midi vers 15h mais ça peut attendre.

 

  

A l’aube vous marchez encore, comme si vous espériez que quelqu’un vous regarde. Dieu, la police, les garçons.

 


 

Comment ressentez-vous cette fatigue ?

Plusieurs réponses possibles :

Comment un landau poussé sous l’eau ?

Comme un air de famille ?

Comme une accumulation de déjà-vus ?

 

 

 

C’est fréquent, pas d’inquiétude.

Quand la mémoire se prend pour une perception, c'est une impression que les usagers du Transilien appellent un revenu : un air de ressemblance avec un peu d’avance.

 

 

 

Suivez l’itinéraire, laissez des avis vérifiés et les villes s’étendront à mesure que vous reconnaitrez - pour prouver à un robot que vous n’êtes pas un robot - leurs feux de signalisation.

 

A la recherche d’autonomie, comme des milliers de personnes en Ile-de-France, vous souhaitez inventer votre pensée tous les matins : le plus gênant, dites-vous, c’est quand vous avez une idée à vous qui ne vous vient pas à l’idée.

 

Offrez-vous un pronom personnel de la deuxième personne du pluriel. Un visage dont vous seriez le héros.

 

Aura sociale optimisée. Léger. Peu encombrant. Tailles standards. Sans fil. Discret. Tient dans la tête. Sans effort. Souple. Résistant. Autonomie maximale. Emportez-le partout. Matériau résilient. Intelligence à mémoire de forme. Viabilité. Récupération de rêves anciens, sans rupture de code temporel.


 


Parfois, la pensée est hostile aux pensées. Elle abime la vision. Même la musique, elle l’abîme.

 

Mais pas d’inquiétude. Quand la pensée devient malaisée, donnez-lui un état d’âme : cette sorte d’humeur chaude qui est comme la transpiration passée dans l’air.

 

Saviez-vous que Parménide disait : la pensée est meilleure avec le chaud. De la proportion de chaud et de froid dépend la proportion de mémoire et d'oubli. Le semblable est senti par le semblable. Froid, le cadavre ne sent rien.

 

 

 


« Il ne s’est rien passé de remarquable durant votre absence », dit au réveil la voix qui propose ensuite cinq idées de bonne journée.


 

 

bottom of page